Une de mes patientes, dépressive, est venue un jour avec l’envie de travailler avec du papier : papier cristal, papier de soie etc. Elle les a déchirés en petits morceaux puis collés entre eux ; le papier déjà si fin se fragilisait encore plus, imbibé par la colle. En les manipulant, elle découvre des gestes infiniment délicats pour les passer d’une main à l’autre et baigne dans la transparence fragile du papier, cette douceur peau à peau ; Elle découvre des gestes très simples qui se révèlent pour elle comme profondément nécessaires pour que s’invente la rencontre la plus accordée possible entre cette matière et son corps, un » recto-verso » chair et matière. Se déroule un voyage silencieux, neigeux, vibrant d’émotions.
« J’ai vraiment l’impression que ça commence » dit-elle à la fin de cette séance.
Quelque chose vient à travers la matière qui l’émeut parce qu’elle sent que cela s’adresse à elle. Quelque chose, jusque là, donnait la sensation d’avoir été délaissée. Tout s’accorde, un instant… Dans ces moments de grâce, quelque chose ‘commence’ qui est ressenti comme le serait un mythe fondateur, un nouveau fondement ; le sentiment d’exister « pour de vrai » peut faire alors irruption avec beaucoup d’émotion.
Cette expérience n’est ni une mise en miroir de soi vers soi, ni une fusion, ni une recherche d’union mystique avec le monde mais un entre-deux en mouvement entre soi et le monde. C’est, en fait, une pleine participation au monde qui requestionne profondément ce pont de vibrations harmoniques entre expérience intime et rencontre avec le dehors. Cette expérience offre à la personne les premiers éléments d’une nouvelle trame à partir de laquelle pourra se recomposer peu à peu une autre façon d’exister.