1-De l’accompagnement…

Issu d’un entretien avec Marion Wassermann en 2018

A propos du travail avec l’argile:

…R : Tout ce que l’on appelle la dimension haptique; ne pas simplement être avec le toucher des mains mais qu’il y ait le déclenchement d’une tactilité globale qui engage toutes les parties de son corps. Il y a vraiment un travail qui se fait où tout de la personne est engagée, toute sa peau est présente, son visage, son poids, toutes ses dimensions, qui sont dans les mains et qui, en fait, imbibent toute l’organicité de la personne. Elle est engagée dans la totalité de sa propre matière.

Quand je sens que la personne passe à cette étape-là, je sais qu’il peut s’y passer quelque chose d’important. Cela peut paraître banal mais il ne peut y avoir transformation qu’à la condition d’un plein engagement de la personne dans l’action créatrice performative.

Il y a une jeune femme à une séance, qui faisait des gestes répétés sur une petite boule de terre. Tout son corps est entré dans un rythme tactile et je sentais qu’il y avait une rythmicité et une pulsation interne à laquelle elle avait accès à travers ce toucher premier des mains, qui avait après envahi tout d’elle. L’accès à cette pulsation était absolument essentiel pour elle. 

La personne contacte un rythme corporel, des façons de toucher, des sensations qui sont comme des choses qui peuvent faire ressource, on sent qu’elle s’en nourrit. Dès que la personne contacte ça, si je sens que la personne se demande ce qu’il se passe : « Pourquoi je fais ça ? », je vais tout simplement l’encourager à le vivre. 

M :  Est-ce que tu sens que chez toi ça transforme aussi la nature de ton attention ? 

R : Ah oui. Ce qui me l’indique, ce sont des indices corporels. 

M : Chez toi, en plus d’observer le corps de l’autre ? 

R : Oui parce qu’en fait je n’observe pas. Non, je ne suis pas en train de la regarder en me disant, tiens, est-ce qu’elle se tient bien droite sur sa chaise. C’est plutôt une attention périphérique. Je pense qu’on est dans une perception subtile. Si on passe par une observation, on accède à certaines choses, mais si on veut accéder à des choses plus subtiles, c’est une perception périphérique, c’est à dire tout ce qui est au bord de la perception. Que ce soit au niveau visuel, au niveau tactile, au niveau du ressenti du corps de l’autre. Je n’ai pas besoin de la regarder, je sens l’espace qui l’entoure. Et là il y a des indications très puissantes.

Parce que quand je suis à côté de la personne, je ne suis pas en attente, je participe avec elle dans l’immédiateté de son expérience. Tous mes propres ressentis sont contactés, quand elle touche la terre, je la touche avec elle. Je ne lui dis pas ce que je ressens, mais je sens qu’il y a cette résonance. Entrer dans la continuité attentionnelle aussi est très importante, parce que cela permet d’entrer dans son rythme, sa temporalité et d’accéder à cette subtilité perceptive. Si tu as des moments où ton attention s’échappe, c’est comme un panier percé. Et du coup tu n’es plus englobante. La personne je l’englobe avec la matière qu’elle rencontre, c’est large. Je pourrais dire que je regarde avec mon corps entier. Le regard a sa place, mais il est loin d’être le seul. Toute cette dimension haptique, je la vis moi aussi. 

Je pense que c’est aussi cette attention que j’ai à mon propre corps, de ce qui s’y passe, bien sûr en relation avec ce que vit la personne, qui contient l’autre. On créé une sorte d’Athanor dans laquelle la personne se sent contenue, englobée par la présence de l’art thérapeute, et du coup peuvent se vivre des choses qu’elle ne pourrait pas vivre si l’espace était trop ouvert, fuyant. C’est essentiel…

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