Du vécu d’un artiste…à l’intervention thérapeutique.
Comment je me suis appuyé sur mon expérience de peintre et sur ma manière de vivre la création pour intervenir dans le milieu thérapeutique.
Comment j’ai cherché dans la profondeur de l’expérience créatrice la légitimité de ma position d’art thérapeute.
En tant qu’adulte, ce qui m’a tout de suite déconcertée dans la recherche de la création d’un monde pictural, c’était le besoin que je trouvais presque gênant parce qu’il me semblait enfantin (Enfant, le plaisir de jouer avec le sable ou de transvaser de l’eau d’un récipient à l’autre) de ne pas résister à la fascination ludique et grave que provoquait les transformations des matières : le cuivre et l’acide que j’utilisais en gravure, le fusain et la pierre noire, le travail de la gomme, la terre, le sable et les cartons trempés dans la peinture…
La fascination était d’autant plus forte quand les moments de surprise étaient intenses même si ces moments étaient accompagnés de la traversée d’une zone extrême de peur et d’émerveillement mêlés ou simplement de sentir comme miraculeux le tracé d’un trait de crayon sur une feuille, chose qui pour un adulte peut sembler de l’ordre de l’évidence. Semblait se cacher un secret en même temps terrorisant et puéril que seul l’affinement de ma sensibilité perceptive pouvait me faire découvrir : il me fallait apprendre à voir dans le noir, développer une vision nocturne. Mon rêve, devenir nyctalope !
Je fais donc de la peinture depuis longtemps ; ma formation est une formation d’artiste en même temps autodidacte et classique (les Beaux-Arts). J’y ai d’abord découvert la gravure, la lithographie, la sérigraphie. J’étais attirée par ces techniques de report sur papier, où l’image n’apparaissait pas directement mais par un détour, tout ce qui était de l’ordre de l’empreinte. Je me suis tournée ensuite vers la peinture et j’ai utilisé la terre, le sable, des cartons… comme supports pour concrétiser l’étendue à peindre, lui donner une mémoire, l’habiter de tensions et faire apparaître l’image en la désengloutissant d’un chaos d’énergie. Je voulais une peinture-mirage, comme une épave abandonnée au visible.