Archives par mot-clé : art

ENQUÊTE

Comment avez-vous été touché une des premières fois que vous avez découvert la peinture ?la sculpture ?

En ce qui me concerne, le plus  lointain souvenir    que j’ai pu retrouver qui fut de l’ordre d’une véritable révélation remonte à peu près à mes 8 ans, ce fut mon saisissement devant la reproduction d’un tableau de Picasso -La femme qui pleure-1937 , l’année de Guernica ; c’est une tête de femme transpercée par les épines de ses pleurs.

Je ne comprenais pas comment on pouvait montrer le chagrin et le faire ressentir à travers une peinture, moi qui était si impuissante quand j’en avais un, à le partager et le faire comprendre à ma mère, la personne la plus proche de moi ! .

Quel était ce moyen qui permettait de faire ressentir aussi directement des émotions aussi intimes ? Faire ressentir en montrant ce qui était invisible et normalement incommunicable?

A vous …

blog 3

Le spectateur d’une oeuvre

Quand je regarde un tableau, quand je le ressens comme présent, cela ne peut pas être détaché de son sens mais du sens comme sensation et non comme signification: me saisit la surprise et l’évidence d’une impression corporelle d’ appui.

On tourne ensuite autour de ce point focal, on le circonscrit sans le saisir comme le fait la margelle circonscrivant le puits, par l’approche sensible et esthétique ; on nourrit ce sens qui ancre la présence du tableau. Le passage vers sa cause est barré par le feu du Logos, étant avant toute énonciation, toute désignation.

Le sens-présence du tableau est un événement rétif à toute tentative d’approche, il s’impose, il est en deçà du tableau, il est toujours avant ce qui est déjà là, on ne peut remonter à sa source mais il sourd de la forme plastique.

Matières et sentiment d’existence (extrait)

Conférence donnée au GRETT et parue dans la revue Synodies en 2017.

« J’ai vraiment l’impression que ça commence » dit une patiente à la fin d’une séance.

Quelque chose vient à travers la matière qui émeut parce qu’on sent qu’elle s’adresse à soi. Quelque chose en soi, jusque là, donnait la sensation d’avoir été délaissé, quand cela advient, quelque chose qui semble d’un au-delà de soi et pourtant très intime est reconnue. Tout s’accorde, un instant… Dans ces moments de grâce, quelque chose ‘commence’ qui est ressenti comme le serait un mythe fondateur, un nouveau fondement ; le sentiment d’exister « pour de vrai » peut faire alors irruption avec beaucoup d’émotion.

Cette expérience n’est ni une mise en miroir de soi vers soi, ni une fusion, ni une recherche d’union mystique avec le monde mais un entre-deux en mouvement entre soi et le monde dans ce qu’il a d’extérieur à nous. C’est en fait une pleine participation au monde qui requestionne profondément ce pont de vibrations harmoniques entre expérience intime et rencontre avec le dehors. Cette expérience offre à la personne des éléments d’une nouvelle trame à partir de laquelle peut se recomposer sa façon d’exister.

Cette attention à la matière a un profond pouvoir de relance du processus vital de création.

C’est une histoire de dessaisissement et de jaillissement où quelque chose de profond de la personne se resynchronise au monde.

On est le témoin de dynamiques secrètes de l’être dans le temps de ces propres commencements d’où émerge alors souvent une impression de retrouvailles inattendues.

Article complet publié dans la revue Synodies