Archives par mot-clé : forme

Le spectateur d’une oeuvre

Quand je regarde un tableau, quand je le ressens comme présent, cela ne peut pas être détaché de son sens mais du sens comme sensation et non comme signification: me saisit la surprise et l’évidence d’une impression corporelle d’ appui.

On tourne ensuite autour de ce point focal, on le circonscrit sans le saisir comme le fait la margelle circonscrivant le puits, par l’approche sensible et esthétique ; on nourrit ce sens qui ancre la présence du tableau. Le passage vers sa cause est barré par le feu du Logos, étant avant toute énonciation, toute désignation.

Le sens-présence du tableau est un événement rétif à toute tentative d’approche, il s’impose, il est en deçà du tableau, il est toujours avant ce qui est déjà là, on ne peut remonter à sa source mais il sourd de la forme plastique.

Intérêt des doubles prises en charge

Dans ma pratique, j’ai constaté  l’intérêt des doubles prises en charge : Quelques uns de mes patients par ailleurs suivis en thérapie verbale me disent combien leur thérapie a été redynamisée par l’atelier. Quelquefois, la personne, en thérapie verbale, ne sait plus comment être en connexion authentique avec elle-même et perd le goût du sens. L’atelier, actualisant la relation avec les éprouvés dans la matière (peinture, terre…), semble avoir un rôle de relance puissant pour ces personnes qui se plaignent d’être sans émotion ou désensorialisées. L’atelier redonne du corps au langage.

Ce rapport à l’ « éprouvé » ne reste pas insaisissable mais s’expérimente dans la matière et la forme devant soi. Grâce à la rencontre avec la forme, s’expriment des choses qu’on n’attendait pas, qui viennent malgré soi mais que l’on reconnaît comme siennes. Ce qui m’échappe se retourne vers moi pour me raconter quelque chose que je ne sais pas. L’évènement intérieur qu’on ressentait comme flottant, sans attaches, s’ancre ainsi en faisant alliance avec une forme. Cela reste mystérieux mais a le même statut irréfutable qu’un fait et peut être alors un point d’appui, un repère pour la personne dans la poursuite de son travail analytique. D’autre part, la forme, en libérant un blocage énergétique, ouvre la possibilité de transformer l’évènement. L’évènement perçu d’abord comme négatif, obscur ou traumatique s’ouvre ainsi sur une promesse d’expression créatrice riche et singulière.

Il semble qu’il peut y avoir une complémentarité très fertile entre le dévoilement analytique et l’expression créatrice énigmatique de soi en art thérapie.I

La matière non assujettie à la forme

Quand on entre dans un processus créateur, on est confronté d’abord à la matière indifférenciée.
La matière peut apparaître au début comme une matière inerte ou du moins mutique. Elle ne serait qu’un moyen pour faire apparaître le langage de la forme ; Est-ce qu’il serait possible de l’envisager non asservie à une forme et dans le silence qu’elle nous adresse, la laisser libre de déployer son mystère?
J’ai donc choisi de vous parler de ces premières séquences du processus créateur, qu’est la rencontre avec la matière et de ce qui peut s’y jouer dans l’accompagnement bien avant la question de la forme, avant toute représentation, figure ou même toute résonance symbolique.
La première séquence nous renvoie à cette étape du petit enfant plongé dans la connaissance immédiate du monde comme matière et qu’il oublie ensuite quand s’organise le monde par le langage.
Mais qui ne se souvient pas de ces moments, enfant, où l’on transvase l’eau d’une casserole dans une autre, des graviers qu’on goûte et que l’on met en tas ou qu’on disperse ou de sa patouille avec la terre d’un jardin dans un temps ouvert, inépuisable ?

photo2
Continuer la lecture de La matière non assujettie à la forme